DE CAMPAGNE ET D'EAU FRAÎCHE
Dans cette petite maison en bois rond de Sainte-Lucie-des-Laurentides, le rustique et le contemporain se conjuguent pour créer une atmosphère à la fois zen et chaleureuse.
De Natalia Wysocka. Publié dans le Elle Québec, Septembre 2012
Dans la demeure d'Annie Dufort, située en rase campagne au bord d'un lac, on se sent comme dans un petit cocon aéré et apaisant. Sa maison en bois rond aux lignes pures possède des proportions particulièrement harmonieuses. Joliment rustique et ponctué d'éléments ultramodernes, le lieu est un amalgame créé de toutes pièces par l'ex-styliste et costumière. Ici, la pierre côtoie le béton, et des broderies ethniques voisinent un mobilier contemporain. D'immenses fenêtres inondent de lumière des pièces habillées d'étoffes aux tons riches et sombres.
Annie Dufort a une formation en photographie et en commercialisation de la mode. Elle a été notamment styliste pour ELLE QUÉBEC et Elle Canada. Depuis qu'elle a construit son atelier, elle se consacre à la transformation d'objets, qu'elle vend et expose.
Fille d'ébéniste, Annie Dufort a toujours eu un faible pour les matières nobles. Son goût, son oeil, elle les a entraînés depuis ses 21 ans, quand elle a commencé sa carrière comme styliste. Au fil des années, elle a conçu des costumes pour plus de 200 campagnes publicitaires et pour de nombreux films, dont Polytechnique, de Denis Villeneuve. Même si sa vie professionnelle allait comme sur des roulettes, elle a tout remis en question à 37 ans. À Paris, pour son anniversaire en compagnie d'un ami, elle s'est demandée ce qu'elle souhaitait vraiment faire. Sa réponse a chamboulé son univers. Depuis longtemps, Annie Dufort rêvait de quitter Montréal et d'ouvrir un atelier afin de plancher sur ses propres créations, qu'elle comptait vendre et exposer un jour.
De retour dans la métropole, elle a donc mis sa demeure en vente avant d'aller s'installer dans le coin de son enfance : Sainte-Lucie-des-Laurentides. Là, elle a décidé de moderniser une petite maison toute simple et de lui donner du panache. Elle a dessiné tous les plans, converti le garage en atelier de création, et le toit plat en toit pointu, permettant ainsi l'ajout d'un étage et d'une chambre.
Bien qu'épurée, sa déco n'a rien de clinique. Le bois et les tissus, omniprésents, apportent une touche chaleureuse, réconfortante. Croyant à l'importance de recycler des objets autrement destinés à une mort certaine, elle invite ses amis et ses clients à lui fournir des meubles, des tissus, et même des vêtements qui servent plus. Mélangeant des trucs «qui coûtent super cher à d'autres qui ne coûtent presque», elle récupère des cadres, des photos, des chaises, des lampes, afin de les modifier et de leur donner une seconde vie. Elle redonne du tonus à des chaises en changeant le tissu des sièges, actualise une énorme lampe en la sectionnant en parties plus petites, rafraîchit une oeuvre en peignant par-dessus. Résultat: tous ses éléments décoratifs sont absolument uniques. «Les ressources de la planète ne sont pas inépuisables, explique-t-elle. La conversion des objets est une nécessité.»
Très attentionnée, Annie Dufort estime que l'ingrédient-clé d'une déco de qualité est encore et toujours la patience. «La décoration de ma maison, c'est plus du temps que de l'argent», précise-t-elle. Ses coussins, par exemple, elle les confectionne à partir de tissus recyclés. À ses yeux, même la machine à coudre produit un résultat trop impersonnel: elle préfère donc tout exécuter à la main, même si cela suppose des heures et des heures de travail.
Grande voyageuse, la créatrice profite aussi de ses séjours à l'étranger pour faire le plein de matières premières, comme au marché d'Istanbul, où elle a récemment acheté des tissus et des textiles «qui valaient le prix d'une voiture!» Même si elle compte généralement modifier les pièces qu'elle se procure, elle ne cherche jamais à en négocier le prix. C'est une question de respect, dit-elle. «Si une femme fait des napperons que je vais utiliser pour créer un coussin, je ne vais jamais lui demander une réduction."
Qu'elle décore ou qu'elle crée, Annie Dufort refuse d'être l'esclave des tendances. Elle fuit le toc, privilégie le durable et ne jure que par les espaces dépouillés. Elle se félicite d'ailleurs de voir qu'un nombre grandissant de gens se convertissent à cette manière plus simple de concevoir l'architecture d'un lieu. «Les intérieurs sont de plus en plus épurés, note-t-elle. Les maisons zen en béton toutes vitrées sont en train de devenir la norme. Moi, je trouve amusant d'y ajouter une pointe d'histoire et de chaleur.»